Collection

Durant l’été 1905, Klee commença à utiliser des plaques de verre noircies pour les travailler avec la pointe d’une aiguille. Exploitant la résistance de ce support inhabituel, il trouva ainsi une nouvelle possibilité d’expression picturale, le dessin par grattage. Dans son journal, il décrit sa »découverte« en ces termes: »Le moyen n’est plus le trait noir mais blanc. L’énergie éclaircissante sur fond nocturne correspond très bien au 'Que la lumière soit’. Ainsi je glisse lentement dans le monde nouveau des tonalités.«

Plusieurs années déjà avant ses premiers essais sur le verre, Klee s’était intéressé aux méthodes de reproduction photographique du type cliché-verre. L’aspect essentiel était pour lui l’inversion de la gestation de la forme, du positif en négatif. Dans la peinture sous verre également, c’était avant tout le caractère pictural expérimental qui intéressait Klee; l’exploration de la tradition populaire de ce genre ne jouait pour lui, à l’inverse d’un Kandinsky, aucun rôle.

C’est dans le portrait »m Vater«, 1906, 23 [Mon père] que l’énergie des lignes blanches prend son plus puissant impact: Klee avait recouvert d’encre noire la plaque de verre puis gratté en traits précis le portrait de son père. Il plaça derrière un fond blanc sur lequel se détache l’imposant personnage du père.

Si de tels exemples reposent en fait sur une inversion de la technique de l’eau-forte, dans la majorité de ses travaux sous verre, Klee étend le processus de création à la peinture en déposant sous la surface de verre grattée des fonds de couleur et en peignant directement sur le verre, à l’aquarelle ou à l’encre. La couleur coulait sur le support lisse, et l’artiste obtenait ainsi un aspect fondu, chatoyant, qu’il utilisait en particulier pour ses paysages.

Certaines des scènes représentées sur les tableaux sous verre sont des satires que Klee agrémentait des détails raffinés, comme le petit chien avec un anneau dans la truffe dans »Bildn. einer gefühlvollen Dame«, 1906, 16 [Portrait d'une dame pleine de sentiment]. La »Puppe an violetten Bändern«, 1906, 14 [Poupée suspendue à des rubans violets], qui voltige dans les airs comme un petit singe, est d’un érotisme androgyne. D’autres, comme »Verkommenes Paar«, 1905, 31 [Couple mauvais genre], ou »Bildnis einer verblühenden Rothaarigen«, 1905, 18 [Portrait d'une rousse sur le déclin], sont des caricatures plus crues.

64 tableaux sous verre de Klee sont connus à ce jour. Klee tira également parti dans ses travaux sur papier des possibilités de nuanciation de la tonalité qu’il avait découvertes à travers la peinture sous verre. Ainsi, dans les »aquarelles noires«, il reprit certains motifs paysagers de ses tableaux sous verre pour en élaborer les nuances en sens inverse, travaillant cette fois du clair vers l’obscur.


Cf. également: Zentrum Paul Klee, Berne, »Guide«, 2005.